G. Mar – Nocturama


G. Mar – Nocturama [Le grand os 2014]

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Article écrit pour Le Matricule des anges

« Je m’enfonce dans la tourbe jusqu’aux chevilles le crâne de mes quinze ans déniché dans une fosse commune entre les mains ». On ne rigole pas à toutes les pages en lisant les « textes-rêves » parfois cauchemardesques qui tissent la curieuse mosaïque du premier livre du mystérieux G. Mar (« né dans les Ardennes au milieu des années 70 »). Faisant suite au remarquable Quoi Faire de Pablo Katchadjian, il s’agit du deuxième opuscule de l’intrigante collection « Poc ! » du Grand Os.

Une logique onirique rythme donc cette écriture du fragment et de l’inversion ; du souvenir réel soudainement devenu apocryphe ; de la narration entrecoupée d’autres narrations ; de paradoxes (« Notre crime est là devant nous alors que nous ne l’avons pas encore commis ») ; de réminiscences cinématographiques (Hiroshima mon Amour ; Orange Mécanique…) ; d’associations d’idées ou d’images inquiétantes (« des sympathisants du général Pinochet déversent depuis les fenêtres des sacs de cocaïne ») ; etc.

Le narrateur (le rêveur, l’auteur) passe insensiblement de Rouen à Chicago et croise des jeunes filles « moulées à l’ombre des boutiques », dont les « yeux disparaissent sous leurs soutiens gorges », se trouve (avec qui ?) à un moment donné dans « une ville du Sud de la France (à moins que ce ne soit la Crimée) », a de « larges flopées d’air [qui] sortent de [s]a bouche pour faire éclater la surface redevenue plane de [s]es couvertures » tandis que « par la fenêtre le ciel immense se couche par nappes de lumière » et qu’il aperçoit « un grand navire au loin sur la Meuse chargé de tous nos morts ».

Angoissée, parfois ironique, lyrique mais exempte de toute emphase, l’écriture de G. Mar est forte d’une belle capacité à créer des images puissantes et à suivre une intuition généreuse. Les scènes se mêlent, se croisent et se confondent en une singulière cosmogonie.

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